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L'Atelier Théâtre des Oiseaux

" On veut permettre aux participants de franchir très vite le pas

et de monter sur scène au bout de quelques mois "


 

Avant de commencer, peux-tu nous dire qui parle au micro du théâtrologue ?

Je m’appelle Jérémie Brasseur.
J’enseigne le français langue étrangère et depuis une vingtaine d’années, j’écris régulièrement pour le théâtre. En tant qu’animateur de l’Atelier Théâtre des Oiseaux (à Mons, en Belgique), je gère l’organisation des spectacles, la mise en scène et la communication. 

En quelques mots, peux-tu nous parler de l’origine de la troupe ?

En 2012, mon épouse et moi, nous avons repris l’animation d’un atelier destiné aux adultes souhaitant se lancer dans le théâtre amateur.
Cet atelier s’est progressivement détaché de la compagnie dont elle dépendait pour suivre sa propre voie. Il nous paraissait essentiel que le théâtre amateur soit ouvert à tous et axé sur la créativité, notamment par la constitution d’un répertoire de sketchs et de pièces faits maison. 

Quelle a été la première pièce du répertoire ?

Nous avons présenté notre premier café-théâtre intitulé Les MonsQuetaires en mai 2013.

Et la pièce la plus récente ?

Comme nous avions hâte de retrouver le public, nous avons profité d’un léger assouplissement des mesures sanitaires pour présenter le 27 septembre 2020 un café-théâtre préparé sur le pouce intitulé Scène (r)Ouverte. 

Quel est le style de la troupe ?

Nous créons essentiellement des cafés-théâtres composés de sketchs inventés en collaboration avec les participants. Nous avons aussi présenté quelques comédies écrites et montées avec des comédiens plus expérimentés. La dernière en date s’intitulait Piliers de Comptoir (décembre 2019) et plongeait les spectateurs dans l’univers d’un bistrot de quartier fréquenté par quelques énergumènes. 

Actuellement, comment est composée la troupe ?

En temps normal, l’Atelier Théâtre des Oiseaux continue à proposer des ateliers destinés aux adultes qui n’ont jamais fait de théâtre et qui veulent découvrir le plaisir de monter sur les planches.
Parallèlement, les comédiens qui veulent poursuivre l’aventure au sein de l’ATO forment des groupes qui montent des projets un peu plus élaborés. Le nombre de participants varie : un projet peut accueillir entre 8 et 22 comédiens.  

Comment choisissez-vous vos pièces ?

D’ordinaire, je soumets deux ou trois thèmes au groupe : les fleurs, les superstitions, les files d’attente... Nous explorons chacun de ces thèmes à travers une série d’improvisations, suite à quoi nous en retenons un pour notre spectacle. À partir de fiches ‘canevas’, les comédiens improvisent des dialogues, puis ceux qui en ont envie se lancent dans l’écriture. 

Combien de répétitions sont nécessaires pour préparer les représentations ?

On veut permettre aux participants de franchir très vite le pas et de monter sur scène au bout de quelques mois.
C’est vraiment là, devant le public, qu’on réalise ce que c’est que le bonheur d’être comédien. Nos cafés-théâtres sont donc toujours préparés sur trois ou quatre mois, à raison d’une seule séance par semaine (de 19h30 à 21h). On ne veut pas laisser de côté les participants qui, pour des raisons familiales ou professionnelles, n’auraient pas la possibilité de consacrer plus de temps à une activité de loisir. 

La troupe fait-elle appel à un metteur en scène professionnel ?

Avec des groupes de comédiens plus expérimentés, nous avons fait appel à des metteurs en scène professionnels pour des séances de coaching.
Le professionnel intervient lors d’une soirée, quelques semaines avant les représentations pour assister à une ébauche du spectacle et donner des pistes d’amélioration. Nous gardons de bons souvenirs de ces rencontres, même si nous avons constaté un fossé entre la mentalité des professionnels et les valeurs de notre atelier (bien-être de tous, investissement mesuré, créativité collective, priorité à la camaraderie). 

Combien de fois vous produisez-vous par an ?

Avant le début de la crise liée au coronavirus, nous avions atteint le rythme de quatre spectacles par an.
La plupart du temps, ces spectacles étaient présentés dans la salle où nous répétions, à la Maison de Quartier de l’Allée des Oiseaux (d’où le nom de la troupe).
Nous avons eu la chance de présenter deux de nos pièces dans le grand auditoire d’une université : un chouette souvenir ! 

Sais-tu combien de spectateurs viennent vous applaudir chaque année ?

Alors, faisons le calcul à la grosse louche. Nous mettons une cinquantaine de spectateurs dans la salle de la Maison de Quartier. Nous jouons quatre spectacles par an. Et chaque fois, il y a trois représentations (vendredi, samedi, dimanche). Disons, grosso modo : 600 entrées (mais bien sûr certains spectateurs viennent nous voir plusieurs fois sur l’année). 

A ce jour, sais-tu combien de pièces ont été jouées par la troupe ?

Après vérification, quinze cafés-théâtres et sept pièces. 

Et après les représentations ça se passe comment ?

Le dimanche soir, on remballe et on va se coucher. Quelques jours plus tard, nous nous retrouvons pour une soirée débriefing.
Chacun apporte un truc à boire ou à grignoter. C’est l’occasion pour les comédiens de dire ce qu’ils ont aimé et ce qu’ils n’ont pas aimé dans l’aventure. On propose à ceux qui le désirent de s’inscrire dans de nouveaux projets. 

Quel rapport la troupe entretient-elle avec les autres troupes de la région ? Et les auteurs ?

Les autres troupes ? On ne les empêche pas de dormir. 

Quant aux auteurs : On cite souvent la phrase d’Augusto Boal : « Tout le monde peut faire du théâtre, même les acteurs. » Il aurait pu ajouter : « Tout le monde peut écrire pour le théâtre, même les auteurs. »

Depuis un an maintenant que tous les théâtres de France et de Belgique ont baissé le rideau comment ça se passe dans la troupe?

Il y a eu quelques assouplissements durant l’été 2020 et les cafés ont pu rouvrir. Nous nous sommes donc retrouvés en petits groupes dans l’arrière-salle d’un café pour reprendre nos jeux et nous avons présenté Scène (r)Ouverte en septembre.
Nous espérions présenter ROUF ROUF bric & broc, un autre café-théâtre préparé sur le pouce, fin octobre mais un reconfinement a mis un coup d’arrêt au projet. Depuis décembre 2020, nous poursuivons nos activités grâce aux visioconférences. 

Avez-vous mis en place des animations à distance pour maintenir le lien avec la troupe et vos spectateurs ?

Nos activités se développent sur quatre axes.
Il y a d’abord les jeux de rôle : les comédiens se retrouvent virtuellement par groupe de cinq à dix joueurs pour inventer des dialogues amusants sur des scénarios originaux. Tout cela constitue une matière première dans laquelle on pourra piocher pour nos spectacles futurs.
Ensuite, il y a les clips vidéo qui nous permettent, malgré la médiocrité de nos moyens techniques, d’interpréter des personnages et de raconter des histoires, voire d’adapter quelques anciens sketchs pour les diffuser sur le web.
Ensuite, nous créons des cartes virtuelles. Cela plaît aux comédiens qui aiment se déguiser, manier des accessoires de scène, s’exprimer par la gestuelle et les mimiques ; tout cela au service de maximes optimistes empruntées à de grands auteurs.
Enfin, nous organisons des rencontres en visioconférence avec des amateurs qui, loin de chez nous, partagent notre intérêt pour le théâtre. Ces rencontres sont vraiment dynamisantes : l’ambiance est amicale et joyeuse ; en discutant des projets des uns et des autres, on se sent solidaires et portés par une même passion. 

Comment vois-tu l’avenir de la troupe ? Et pour le théâtre, la culture en général ?

Terrible question !

Il y a quelque temps, j’ai entendu un directeur de théâtre qui s’exprimait dans une émission. Ce qu’il disait m’a paru décisif pour l’avenir du théâtre ; il expliquait que des pièces construites sur le canevas de Roméo et Juliette existaient déjà avant Shakespeare : « Aujourd’hui, on a décrété que la pièce de Shakespeare était la meilleure et on la répète à l’infini. (…) Qu’est-ce qui s’est passé au théâtre ? Pourquoi a-t-on perdu cette énergie créatrice ? Imaginons qu’au cinéma il y aurait chaque année 2 500 versions basées sur le même script. Personne n’irait plus au cinéma. Au théâtre, c’est ce qu’on fait… » (Milo Rau - Tracks sur ARTE, 15-04-2019) 

Une pièce en préparation ou c’est plutôt stand-by pour le moment ?

Si demain on rouvrait tout, je ne pense pas qu’on reprendrait les trois spectacles dont les représentations ont été annulées : FloroLogies (mars 2020), Maison à Vendre (Mai 2020) et ROUF ROUF bric & broc (octobre 2020). On créerait plutôt un spectacle avec tout le matériel accumulé ces derniers mois lors de nos jeux de rôle… en travaillant vite de peur d’être de nouveau cloîtrés. 

Y a-t-il un projet qui te tient à cœur et que tu aimerais pouvoir réaliser ?

J’aimerais participer à un réseau de passionnés de théâtre qui s’échangeraient des conseils et du ‘matériel’ : par exemple des canevas de jeux de rôle ; des sketchs faits maison ; des astuces pour améliorer la qualité des photomontages et des vidéos ; des ressources pour la mise en scène... 

As-tu une anecdote croustillante à nous livrer ?

Elle n’est pas croustillante mais elle est bien alcoolisée : en décembre 2019, on jouait Piliers de comptoir. Pour ce spectacle, nous avions besoin d’une très grande bouteille de Bush de Noël. La Bush de Noël, c’est une des bières belges les plus fortes, elle titre à 12 % de volume alcool. Sandrine, mon épouse, a dit : « On n’a qu’à demander à la brasserie qui produit la Bush de nous prêter une bouteille vide le temps du spectacle. » La brasserie Dubuisson a répondu qu’ils avaient été tellement étonnés par notre démarche qu’ils nous offraient un magnum… à boire ! Et tous les comédiens ont uni leurs forces et leur soif pour vider cette bouteille. 

Un message à faire passer avant de se quitter ?

Le théâtre amateur a l’habitude de ‘faire avec’ : c’est dans ses gènes, il n’attend pas les conditions optimales pour entreprendre, il trouve toujours des pis-aller pour rassembler des passionnés, offrir des opportunités d'inventer et de s’exprimer. L'imperfection ne nous fait pas peur ; un projet vient toujours après un autre pour nous permettre de tirer les leçons de nos maladresses et viser la marche supérieure. Ainsi, la difficulté devient en soi source de motivation. 

Je crois qu’il y aurait une réflexion très intéressante à mener sur ce qui distingue le théâtre amateur du théâtre professionnel. Souvent les troupes de théâtre amateur calquent leur fonctionnement sur ce qui se fait dans le milieu professionnel et c’est la source de nombreux problèmes. Le théâtre amateur a ses propres spécificités, ses propres objectifs, ses limites et ses atouts, son public, son avenir. Le professionnel doit être prêt à faire d’énormes sacrifices pour être au sommet de son art alors que l’amateur aspire à trouver un équilibre entre sa passion, ses obligations professionnelles et sa vie familiale. Dans le théâtre professionnel, il y a beaucoup d’appelés et fort peu d’élus alors que la scène des théâtres amateurs a vocation d’être ouverte au plus grand nombre. Et les différences ne s’arrêtent pas là. L’organisation d'une troupe amateure, son répertoire, son évolution et ses valeurs gagneraient à être pensés et définis clairement en dehors de la sphère du théâtre professionnel.  




 

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Date de dernière mise à jour : 23/04/2021