Les ArtScène Théâtre (troupe de théâtre)
Avant de commencer, peux-tu nous dire qui parle au micro du Théâtrologue et quel est ton rôle dans la troupe ?
Je m’appelle Stéphane Russeil.
Je suis, jusqu’à maintenant, le président de la troupe de théâtre « Les ArtScène » basée à EXIREUIL dans les Deux-Sèvres (79).
Je précise pour ceux qui ne connaissent pas bien : nous sommes situés à mi-chemin entre La Rochelle et Poitiers et entre Nantes et Bordeaux.
Je suis aussi, en fonction des années, metteur (ou co-metteur) en scène et/ou comédien. Je suis également auteur d’une pièce de théâtre (pour le moment) et de quelques sketchs.
En quelques mots, peux-tu nous parler de l’origine de la troupe ?
La troupe des ArtScène (au début elle n’avait pas de nom) a été créée en 76 par une poignée de passionnés qui avait envie de proposer du théâtre dans la commune d’Exireuil (79). Ca fait donc plus de 40 que cette troupe existe. Nous avons fêté les 40 ans en 2016 avec notre public.
L'association de théâtre vit de ses propres ailes mais est rattachée à une association mère "La SEP Concorde" qui régit d'autres activités telles que les loisirs créatifs, les cours informatiques, les équipes de football.
S.E.P. signifie Section d'Education Populaire. La SEP organise aussi des manifestations culturelles (cinéma de plein air par exemple), concours de pétanque ou palets, vides-greniers, etc...
Quelle a été la première pièce du répertoire ? C’était en quelle année ?
Je n'étais pas encore là, mais nos archives sont assez riches.
La première année (en 1977) 2 pièces ont été jouées "On attend l’inspecteur" de Dubois et Des Marchenelles et "A qui la vache".
Je n'ai d'ailleurs pas retrouver le nom de l'auteur. Si toutefois quelqu'un le connaît...
Et la pièce la plus récente ?
La plus récente… C’était en 2019 avant la crise sanitaire.
Nous avons joué une pièce de René Richard "Meurtre en bois" et les ados (qui nous accompagnent depuis 6 ans) ont joué une pièce de Jean-Pierre Martinez "Le pire village de France".
Quel est le style de la troupe ?
Nous préférons les comédies. C’est ce que notre public attend.
Pendant longtemps nous avons oscillé entre comédies de boulevard et comédies rurales. Nous jouons dans une petite commune rurale de 1500 âmes et notre public aime bien ce qui traite du monde paysan, avec bienveillance évidemment.
Mais depuis une petite quinzaine d’années nous avons axé notre répertoire sur des pièces plus "modernes" et originales.
Depuis 2010 par exemple nous avons joué "Toc Toc" de Laurent Baffie, "La vie de chantier" de Dany Boon, mais également des pièces de René Bruneau qui est un auteur très apprécié des troupes de théâtre amateur. René Bruneau a écrit quelques pièces très originales, dont une qui se passe dans un asile, près d’une centrale nucléaire prête à exploser et où l’on enferme des opposants politiques à la dictature en place. Tout ça parait bien grave ! Mais c’est une pièce très drôle.
Nous avons joué aussi une pièce qui se passe dans un avion "Promis, juré, crashé".
Nous aimons bien plonger le spectateur dans l'univers de la (ou des) pièce(s) dès leur arrivée. Ainsi (quand c'est possible) nous décorons la salle ou nous nous habillons dans le thème de la pièce.
Par exemple pour "La vie de Chantier" nous avion mis une salle "en travaux" et le personnel d'accueil était équipé de gilets réfléchissants et de casques.
Actuellement, comment est composée la troupe ?
Jusqu’à maintenant nous avons eu la chance d’être nombreux et bien organisés. La troupe compte actuellement une soixantaine de membres. Nous avons une équipe de décorateurs, très investie et très efficace. Nous avons des coiffeuses, des maquilleuses et beaucoup d'autres personnes s’occupent de préparer les encas pour l’entracte, d’accueillir et servir les spectateurs. Nous avons aussi deux techniciens qui gèrent la lumière et le son.
Toutes ces personnes sont précieuses, car elles permettent aux comédiens de se consacrer uniquement à la pièce. C'est un avantage conséquent dont nous sommes consceints, metteurs en scène et acteurs.
Du côté acteurs, nous avons des jeunes ados (une douzaine) et des adultes.
Pour les adultes, le nombre varie tous les ans. Il y a quelques années nous étions près d’une quinzaine, ce qui nous obligeait à jouer deux pièces. Maintenant le nombre tourne au tour de 5 ou 6.
Nous sommes tous amateurs et bénévoles.
Comment choisissez-vous vos pièces ?
Le metteur en scène (ou les, car parfois nous sommes 2 à nous entraider) fait d’abord une première sélection en fonction du nombre d’acteurs.
La sélection s’opère à partir des résumés disponibles en ligne (soit sur le site de la Librairie Théâtrale soit sur Le Proscenium par exemple). Après avoir lu les résumés, nous choisissons les pièces qui nous paraissent les plus intéressantes et en cohérence avec notre style. Nous en faisons une lecture attentive pour aboutir à un top 3 ou 4.
Ensuite, ce sont les acteurs qui lisent les 3 ou 4 pièces qui restent en lice, et nous choisissons la pièce définitive de façon collégiale lors d’une réunion.
Combien de temps, combien de répétitions… sont nécessaires pour préparer les représentations ?
En général, le point de départ de la saison c’est l’assemblé générale qui a lieu au printemps, après nos représentations.
Durant l’été nous recherchons les pièces. Début septembre nous nous réunissons pour choisir la pièce et à partir de là nous commençons nos répétitions au rythme de une puis rapidement deux par semaine.
Les représentations ont lieu courant février sur 2 ou 3 wek-end. Cela fait donc environ 30 répétitions sur 5 mois pour 4 ou 5 représentations annuelles.
Les ados quant à eux répètent une fois par semaine.
Les décors sont posés début janvier. Et, avant nos représentations, dans les 15 jours qui précèdent, nous avons 2 répétitions générales.
La troupe fait-elle appel à un metteur en scène professionnel ?
Non, chez Les ArtScène tout est fait maison : la mise en scène, les décors, la régie… même les gâteaux et le café pour le réconfort des acteurs et le bien-être des spectateurs sont faits maison.
Combien de fois vous produisez-vous par an ? Toujours au même endroit ou faites-vous une « tournée » ?
Au début nous étions sur 3 représentations, puis nous sommes passés à 4 puis 5, car de plus en plus de spectateurs étaient au rendez-vous.
Il y 2 ans nous somme repassés à 4 représentations par saison, après un petit passage à vide.
Nous jouons "en résidence", c'est-à-dire que pour des raisons logistiques nous ne nous déplaçons pas.
Nous avons par ailleurs, la chance d'avoir une infrastructure très bien aménagée, avec une grande salle de près de 300 places, une grande scène équipée de micros et d'une sonorisation complète, ainsi que des rampes de projecteurs. Cette salle est mise à notre disposition gratuitement par la municipalité que ce soit pour nos répétitions ou nos représentations. Un vrai luxe !
Sais-tu combien de spectateurs viennent vous applaudir chaque année ?
Toc Toc (de Laurent Baffie) par Les ArtScène Théâtre
Autour d’un millier par an, en moyenne. Notre plus gros succès a été "Toc Toc" où nous avons accueillis plus de 1300 spectateurs.
Pourtant, nous pensions que ce n'était pas gagné, et ce pour 2 raisons. La première est que c'est une pièce très exigeante, qui demande beaucoup de concentration tellement les répliques fusent. La seconde est que l'histoire parle des Troubles Obsessionnels Compulsifs dont celui de Gilles de la Tourette, qui consiste à proférer des grossièretés. Connaissant Baffie, vous imaginez de quelles grossièretés il s'agit.
Afin d'éviter des déconvenues, nous avons donc introduit la pièce avec une petite seynette explicative notamment destinée aux enfants présents dans la salle. Finalement, nous l'avons joué sans changer un seul mot. C'est une pièce qui a été appréciée et qui est restée dans les mémoires.
A ce jour, sais-tu combien de pièces ont été jouées par la troupe ?
A ce jour plus de 50 pièces ont été jouées en 43 sans d'existence.
Et après les représentations ça se passe comment ? Dodo, petite bouffe ?
Pendant la période de répétitions, nous sommes très studieux. On n'oublie pas pour autant de fêter les anniversaires des uns et des autres et partager la galette des rois en janvier.
Chaque samedi de représentations, après la séance, nous nous retrouvons autour d’un bon repas.
C'est un moment convivial où on rejoue la pièce, ce qui a marché, ce qui a moins bien marché... on continue à rire beaucoup malgré la fatigue.
Et dans le courant de l’année, avec les bénéfices de nos représentations nous réalisons une sortie ou allons voir un spectacle.
J'en profite aussi pour dire, qu'une partie des bénéfices est aussi reversée à des associations caritatives de notre région. Cela a commencé avec le séïsme de Haïti en 2010. Non pas que Haïti soit dans notre région, mais tout simplement, à l'époque, le fils de notre metteur en scène était enseignant là-bas dans un lycée Français. Nous avons été touché par la cause et il nous a servi de lien pour reverser une somme importante (près de 1000€). Nous avons d'ailleurs eu en retour un joli message de l'association a qui les fonds on été attribués.
Quel rapport la troupe entretien-t-elle avec les autres troupes de la région ?
En général, nous nous rendons visite lors des représentations des uns et des autres. Cela n’est pas toujours facile, car parfois nous jouons à la même période.
Les rapports sont amicaux et nous discutons souvent après les représentations. Nous nous faisons aussi mutuellement de la pub. Nous essayons également de savoir très tôt quelles pièces alentours sont choisies afin de ne pas jouer la même comédie à quelques kilomètres et semaines d'intervalles. Ce serait ballot !
Une année, nous avons eu la visite d'une troupe de la région de Poitiers (La Ribambelle) avec qui je suis resté en contact via facebook (on se téléphone aussi parfois). Uune autre année, c'est une troupe de la région nantaise que nous avions accueillie.
Nous avoins des pièces en commun ces années-là. Ca fait toujours plaisir de voir que d'autres troupes peuvent faire pas mal de kilomètres par passion.
Et avec les auteurs ?
Ah les auteurs… sans eux rien ne serait possible.
En réalité nous n’avons que très peu de rapport. En fait, tout cela dépend des pièces que nous jouons.
Lorsque nous jouons du Baffie ou du Dany Boon, bien sûr il n’y a pas d’interactions.
J’ai eu de nombreux échanges épistolaires avec René Bruneau un de nos auteurs fétiches (nous avons joué 4 de ces pièces) ainsi qu’avec Olivier Lejeune.
Nous avons joué 2 pièces d’Olivier ("Tout bascule" et "Presse Pipole").
L’année dernière nous devions jouer "La symphonie des faux-culs ", mais le confinement nous a coupé les ailes. Avec Olivier Lejeune nous avons échangé pas mal de mail, il a aussi liké pas mal de nos publications Facebook liées à ses pièces.
Peut-être même, serait-il venu nous voir (il se déplace parfois voir des troupes amateures). Cela aurait été pour nous un grand honneur (et un grand défi également).
Depuis 1 an maintenant que tous les théâtres de France ont baissé le rideau comment ça se passe dans la troupe ?
Encéphalogramme plat depuis février 2020… 1 an déjà.
Nous avons dû arrêter notre activité 15 jours avant nos représentations. En septembre qui a suivi, nous pensions que les jours seraient meilleurs, mais malheureusement, nous n’avons pas pu reprendre notre activité. Pourtant, tout le monde était motivé.
Avez-vous mis en place des animations à distance (via newsletter, site internet, réseaux sociaux…) pour maintenir le lien avec la troupe et vos spectateurs ?
En ce moment même (février 2021) nous aurions dû être sur scène. Alors pour faire patienter notre public durant ce mois traditionnel de représentations nous avons mis en ligne sur notre page Facebook, des souvenirs de théâtre sous forme de rétrospective avec des extraits vidéos de nos pièces, des répétitions ou des coulisses, des photos et des anecdotes…
Comment vois-tu l’avenir de la troupe ? Et pour le théâtre, la culture en général ?
Pour la troupe, je pense que cela va être dur. Sur deux points.
Le premier concerne les acteurs. Nous avons de plus en plus de mal à recruter dans la durée. Des acteurs, pour qui c’est souvent leur première expérience, viennent pour une ou deux saisons, puis arrêtent. Il est donc difficile d’avoir une équipe stable. Et les ados qui nous précèdent sont encore un peu jeunes pour intégrer la troupe adulte.
Le second point concerne notre public. Nous avons la crainte de ne pas les voir revenir aussi nombreux qu’avant, parce qu’après deux ans d’interruption (minimum) il est difficile de relancer la machine, et que notre public est vieillissant. L’épidémie peut faire peur. Enfin, les jeunes, du moins dans nos campagnes, sont de moins en moins attirés par le théâtre.
Tout cela fait que l’avenir est incertain.
Pour le théâtre en général, je pense (et là je m’exprime en mon nom propre et pas au nom de la troupe) bien évidemment aux professionnels qui eux sont financièrement impactés.
Plus généralement, la culture a été laissée pour compte dans cette pandémie. Je ne suis pas « assez » spécialiste pour me prononcer sur le risque de transmission du virus lors d’un spectacle, mais, il me semble que des spectacles tests, comme il avait été prévu d’être fait, auraient certainement permis de mesurer le niveau de risque. A partir de là des décisions auraient pu être prises.
Une (ou des) pièce(s) en préparation ou c’est plutôt stand-by pour le moment ?
Pour le moment nous n’avons pas encore envisagé la suite.
Si nous gardons notre rythme habituel nous devrions commencer à penser à notre prochaine saison d’ici un ou deux mois… Pour le moment rien est sûr. Dans l'hypothèse où nous souhaiterions reprendre la pièce déjà en grande partie répétée ("La symphonie des faux-culs") il nous faudrait trouver de nouveaux acteurs, car certains ont décidé d'arrêter.
Notre prochaine A.G. approche, il nous faudra prendre des décisions.
Y’a-t-il un projet qui te tient à cœur (à toi personnellement où à la troupe) et que tu aimerais pouvoir réaliser ?
Si après le 1er confinement, nous avions pu reprendre la pièce d’Olivier Lejeune "La symphonie des faux-culs" nous aurions été ravis de pouvoir nous faire coacher par l’auteur lui même, lors d’une journée de répétition.
L’idée lui a été soumise, il n’était pas contre. Malheureusement nous n’avons pas pu reprendre le chemin des planches.
J’espère que nous pourrons le faire. Bénéficier de l'expérience d'un pro est quelque chose qui me turlupine depuis pas mal de temps.
As-tu une anecdote croustillante à nous livrer ?
Pièce de Théâtre "Promis, juré, crashé" : L'atterrissage forcé
Elles sont nombreuses. Chaque saison nous réserve son lot de surprises.
Je ne sais pas si c’est une anecdote « croustillante » mais elle est en tout cas mémorable :
En 2015 nous avons conçu un spectacle 100% Artscène. En effet, si plus haut, j’ai dit que tout était fait maison chez les ArtScène (des décors à la mise en scène en passant par les lumières, les bandes sons et les petits fours) jusque-là, la seule chose que nous n’avions pas expérimentée était d’écrire une pièce.
Cela a donc était fait en 2015 avec la pièce "Promis, juré, crashé" qui se passe dans un avion et qui embarque les personnages et le public pour un aller sans retour (ou presque).
Un message à faire passer ?
Vivement que le théâtre retrouve le chemin des planches, que le rideau se lève et que nous puissions retrouver nos spectateurs.
Pour pouvoir continuer notre passion, j'appelle donc toutes les bonnes volontés de notre région à venir nous rejoindre. Principalement, nous recherchons des acteurs, mais nous avons aussi toujours besoin de monde pour les décors, la régie...
Nous travaillons dur, mais nous nous amusons bien... C'est là le principal !
Ajouter un commentaire
Date de dernière mise à jour : 25/02/2021